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L’Adresse aux Electeurs du Comté de Terrebonne

Du L’Aurore des Canadas (28 aout 1840)

par Louis-Hippolyte Lafontaine

Aux Electeurs du Comté de Terrebonne,

Messieurs,

L’ Union est enfin décrétée! Le Canada dans la pensée du Parlement Anglais ne doit, à l’avenir, former qu’une seule Province. Cette grand mesure politique, est-elle dans l’intérêt bien et tendu des populations qu’elle à pour object de soumettre à l’action d’une seule et même Législature? Il fait laisser au temps la solution de ce problême. L’histoire dira que la force l’a imposée aux deux peuples du Bas et du Haut Canada. Pour rendre cette mesure légitime, il faudra le consentement et l’approbation de ces deux mêmes Peuples. Leurs voix ne peut se faire entendre que dans la chambre d’assemblée où cependant, l’acte du Parlement Impérial, avec ses nombreuses injustices, ne permettra qu’à une partis de leurs legitimes Représentants de prendre place, dans la è session de la nouvelle Legislature.

L’exercice des pouvoirs arbitraires accordes au gouverneur en chef peut retarder pendant longtemp l’election générale, de meme qu’il peut également vous appeler aux hustings d’une manière soudaine et inattendue. Que cette époque soit prochaine ou éloginée, je n’oublierai pas d’anciens engagements. Elu votre deputé à l’Assemblée du Bas-Canada durant deux Parlements, si vous avez approuvé ma conduite et mes principes, comme j’ai raison de le croire, je vous offre de nouveau mes services dans la legislature nnie.[sic] Je vous les offre avec la conviction que le temps est arrivé, où celui qui aime sincèrement son pays, ne doit pas reculer devant les sacrifices qu’entraine toujours la vie politique. Quelque soit l’unanimité que règue ordinairement dans les sentiments des électeurs de votre comté, je souhaite et je désire vous rencontrer en grand nombre aux hustings. Je compte sur le patriotisme bein connu d’une population de vingt cinq milles âmes, quiqu’elle ne soit appelée, a nommer qu’un seul Representant, tandis qu’un petit bourg de quelques douzaines d’électeurs possedera le même privilège.

Les évènements que l’avenir prépare â notre pays, seront de la plus haute importance. Le Canada est la terre de nos ancètres; il est notre patrie, de même qu’il doit être la patrie adoptive des differentes populations qui viennent, des diverses parties du globe, exploiter ses vastes forêts dans la vue de s’y etablir et d’y fixer permanement leurs demeures et leurs intérêts. Comme nous, elles doivent désirer, avant toute chose, le bonheur et la prosperité du Canada. C’est l’héritage qu’elles doivent s’efforcer de transmettre a leurs descendents sur cette terre jeune et hospitalière. Leurs enfants devront etre, comme nous, et avant tout, CANADIENS.

En Amérique, le plue grand beinfait dont jouissent ses habitant, c’est l’égalité sociale; elle y règne au plus haut dégré. Si, dans quelques vieilles sociétés, d’un autre hemisphère, elle semble suffire à leurs jouissances et à leurs besoins, il n’en saurait ètre ainsi pour les populations vigoureuses et fortes de ce nouveau continent. Outre l’égalité sociale, il nous faut la liberté politique. Sans elle, nous n’aurions pas d’avenir; sans elle, nos besoins ne pourraient être satisfaits; sans elle, nous ne pourrions atteindre ce bien-être que nous promet la nature si vaste en Amérique. Avec des efforts constants et dirigés avec fermeté et prudence vers ce but essentiel a notre prospérité, nous obtiendrons cette liberté politque. Pour nous empêcher d’en jouir, il faudrait détruire l’égalité sociale qui forme le caractière distinctif tant de la population du Haut-Canada que de celle du Bas-Canada. Car cette égalité sociale doit nécessairement amener notre liberté politique. C’est le besoin irrésistible des colonies anglaises dans l’Amérique du Nord. Les moeurs sont plus fortes que les lois, et rien ne saurait nous soustraire à leur puissance. Il ne peut exister en Canada aucune caste privilégiee, en dehors et audessus de la masse de ses habitants. L’on peut créer des titres un jour: le lendemain vous voyez les enfant trainer le parchemin dans la boue.

Mais le moyen d’obtenir cette liberté politique, si essentielle à la paix et au bonheur de ces colonies, et au développement de leurs vastes resources? Le moyen, c’est la sanction de la volonté populaire à l’adoption des lois; c’est le consentement du peuple à voter l’impot et à en régler la dépense; c’est encore sa participation efficace à l’action de son gouvernement; c’est son influence légitime à fair mouvoir les rouages de l’administration, et son contrôle effectif et constitutionnel sur les individus plue immédiatement préposés à faire fonctionner cette administration; c’est, en un mot, ce qui fait la grande question du jour; le gouvernement responsable, tel qu’on l’a avoué et promis à l’assemblée du Haut-Canada pour obtenir son consentement au principe du l’union, et non tel que peut-être on l’explique maintenant dans certain quartier.

Ce principe ne constitue pas une théorie nouvelle. Il est le principal moteur de la constitution anglaise. Lord Durham, en reconaissant la nécessite de son application aux colonie dans leurs affaires locales, a touche à la racine du mal et a recommande le seul remède efficace. Dans les circonstances actuelles, l’importance de cette question est telle, qu’un candidat qui a des principes politiques et qui attache quelque prix, ne doit pas hésiter à exprimer son opinion sur ce sujet. Je ne suis pas du nombre de ceux qui reposent une confiance aveugle dans les promeses du Gouverneur Général a cet égard. Loin dela. Je crois que dans la pratiques il ne concèdera pas ce principe de bon coeur, et je pense que le plue ou le moins d’étendue où il entend aller, dependra beaucoup de la composition de la nouvelle Chambre d’Assemblée. Pour moi, je n’hésite pas à dire que je suis en faveur de ce principe anglais de gouvernement responsable. Je vois, dans son operation, seules garanties que nous puissions avoir d’un bon gouvernement constitutionnel et effectif. Les colons doivent avoir la conduite de leurs propers affaires. Ils doivent diriger tous leurs efforts dans ce but; et pour y parvenir, il faut que l’administration coloniale soit formee et dirigée par et avec la majorité des Représentants du peuple, comme étant le seul moyen “d’administrer le gouvernement de ces provinces selon les désirs et les interets du peuple, et d’avoir pour ses sentiments, tels qu’exprimes par ses Représentants la justs déference qui leur est due.”

Une autre question non moins importante, est celle qui résulte même de l’union des deux provinces. Elle est un acte d’injustice et de despotisme, en ce qu’elle nous est imposée sans notre consentement, en ce qu’elle prive le Bas-Canada du nombre légitime de ses Représentants, en ce qu’elle nous prive de l’usage de notre langue dans les procédés de la Législature, contra la foi des traités et la parole du Gouverneur Général, en ce qu’elle nous fait payer, sans notre consentement, une dette que nous n’avons pas contractée, en ce qu’elle permet a l’Exécutif de s’emparer illégalement, sous le nom de lists civile, et sans le vote des Représentants du peuple, d’une partie énorme des revenus du pays.

S’ensuit-il que les Représentants du Bas Canada doivent s’engager d’avance, et sans garanties, à demander le rappel de l’union? Non, ils ne doivent pas le faire. Ils doivent attendre, avant d’adopter une détermination dont le résultat immediat serait peut-être de nous rejeter, pour un temps indéfini, sous la législation liberticide d’un Conseil Spécial, et de nous laisser sans représentation aucune. C’est une erreur trop générale de la part des partis politiques, dans les colonies, que de croire qu’ils ont de la sympathie à attendre de tel ou tel ministère Impérial. Que le ministère, à Londres, soit tory, whig ou radical, cela ne fera aucune difference dans la situation politique des colonies. Le passé est la pour nous en convaincre.

Les Réformistes, dans les deux provinces, froment une majorité immense. Ce sont ceux du Haut Canada, ou au moins leurs Représentants qui ont assumé la responsabilité de l’acte d’union, et de toutes ses dispositions injustes et tyranniques, en s’en rapportant, pour tous les details, à la discretion du Gouverneur-Général. Ils ne saufraient, ils ne peuvent pas approuver le traitement que cet acte fait aux habitants du Bas-Canada. S’ils ont été trompés dans leur attente, ils doivent réclamer contre des dispositions qui asservissent leurs intérêts politiques et les nôtres aux caprices de l’Exécutif. S’ils ne le faisaient, ils mettraient les Réformistes du Bas Canada dans une fausse position a leur égard, et s’exposeraient ainsi à retarder les progres de la réforme pendant de longues années. Eux, comme nous, auraient a souffrir des division intestines qu’un pareil état de choses ferait inévitablement naitre. Il est de ‘intérêt des Réformistes des deux provinces de se rencontrer sur le terrein législatif, dans un esprit de paix, d’union, d’amitié et de fraternité. L’unité d’action est necessaire plus que jamais. Je n’ai aucune doute que, comme nous, les Reformistes du Haut-Canada en sentent le besoin, et que dans la première Session de la Législature, ils nous en donneront des preuves non équivoques; ce qui, j’espère, sera le gage d’une confiance réciproque et durable.

Quand l’oeuvre de la législation régulière et constitutionnelle sera reprise, une autre question importante qui est d’un intérêt plue immédiat pour les habitans du Bas-Canada, appellera en toute probabilité l’attention de vos deputés. Je veux parler de la question des droits seigneuriaux. Je partage bien sincèrement l’opinion que vous avex déjà exprimée à cet égard dans la sixième resolution de l’assemblée de votre comté, du 11 juin 1837, dans laquelle vous avez declaré que “dans la vue d’assurer tôt ou tard le triomphe des principes démocratiques qui, seuls peuvent fonder un gouvernement libre et stable sur ce nouveau continent, nous devons employer tous les moyens en notre pouvoir pour égaliser les conditions sociales, arracher au gouvernement tout espoir d’etablir dans le pays un noyau d’aristocratie, quelque faible qu’il puisse être; et que cette assemblée regarde comme un des moyens les plue propres a parvenir à cette fin l’abolition des droits seigneuriaux, en accordant aux possesseurs d’iceux une compensation juste raisonnable, et l’établissement d’une tenure entièrement libre que nos moeurs et nos besoins réclament hautement et impérieusement.”

L’éducation est le premier bienfait qu’un gouvernement puisse conférer à un peuple. Autrefois il existait des écoles que le Conseil Législatif a fermées. L’argent public sera mieux employé à les rouvrir qu a soudoyer une police que tout le monde repousse et abhorre. L’établissement de nos colléges donne tous les jours le démenti à ces assertions fausses et injurieuses, proférées par les préjugés et les passions, de l’ignorance des Canadiens et de leur prétendue indifference pour l’éducation.

Le développement de nos vastes ressources intérieures, nécessite impérieusement l’ouverture d’une navigation facile depuis la mer jusqu’aux lacs. Le St. Laurent est le canal naturel d’une grande partie des produits de l’ouest. Si, pour attirer à nous cette source de richesses publiques et privées, il faut que la main de l’homme vienne en aide des moyens que la nature nous offre, nous ne devons pas hésiter à y donner une coopération judicieuse et prudente.

Telles sont mes vues sure les points généraux de notre position politique. Si elles sont les vôtres, vous m’en donnerex la preuve le jour où, en commun avec vos frères réformistes, vous serez appelés à faire choix d’un membre pour vous représenter dans la Législature Unie.

J’ai l’honneur d’être,

Votre devoué Serviteur,

L.H. Lafontaine

Montréal, 25 aoùt 1840.