Les arbitres sportifs ne peuvent accepter de cadeaux provenant des joueurs : pourquoi donc est-il possible d’acheter les politiciens?
Une coalition formée de 50 groupes et de plus de 11 000 électeurs exige que la limite annuelle de dons et de prêts par individu (y compris les candidats) soit établie à 100 $ (comme c’est le cas au Québec), que les mesures coercitives et les pénalités en cas de manquement soient plus sévères, et que les allocations par vote et les dons de contrepartie provenant des fonds publics ne soient accordés que si les partis peuvent prouver qu’ils en ont besoin.
Une limite de dons élevée favorise la canalisation continue des dons provenant d’entreprises et de syndicats – comme cela s’est produit au Québec avant que la limite soit réduite – ainsi que l’influence contraire à l’éthique exercée par les donateurs fortunés (en 2015, 23 % des dons faits au Parti libéral du Canada provenaient d’un peu plus de 4 % de donateurs fortunés ayant donné 1 100 $ ou plus).
L’enquête de la commissaire au lobbying sur les activités de financement libérales est trop longue. Il ne s’agit pas d’un processus impartial puisque c’est le cabinet Trudeau qui lui a accordé un contrat renouvelable de six mois en juillet dernier.
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Le jeudi 5 octobre 2017
OTTAWA – Aujourd’hui, alors qu’il témoigne devant le comité de la Chambre des communes responsable de l’étude du projet de loi C-50 sur le financement politique, un porte-parole de Démocratie en surveillance et de la coalition Money in Politics (un regroupement de 50 groupes comptant plus de 3 millions de membres) joint sa voix à celles des quelque 11 000 électeurs qui ont signé une
pétition sur Change.org afin d’exhorter le Comité à apporter les modifications suivantes au projet de loi avant de le renvoyer à la Chambre :
- établir le plafond pour les dons à 100 $ par année (comme c’est le cas au Québec) et rendre obligatoire la divulgation de tous les dons en argent, en biens immobiliers et en services (y compris les services bénévoles);
- fixer la contribution que les candidats peuvent verser à leur propre campagne à 100 $ par année;
- interdire le prêt d’argent aux partis et aux candidats, sauf si l’argent provient de fonds publics (afin d’empêcher les banques sous réglementation fédérale d’acheter de l’influence par l’entremise de prêts);
- restaurer le système de financement public annuel par vote reçu à un taux de 1 $ par vote seulement, et restaurer le système de dons de contrepartie provenant de fonds publics uniquement pour les partis qui arrivent à prouver qu’ils en ont besoin;
- renforcer les mesures coercitives et les pénalités imposées aux partis et aux candidats qui ne se conforment pas aux règles.
« Le projet de loi présenté par les libéraux de Trudeau n’est rien d’autre qu’un écran de fumée. Il n’empêche pas l’accès privilégié aux ministres du Cabinet, aux députés ou à leur personnel, et il n’empêche pas non plus les plus fortunés d’exercer une influence contraire à l’éthique sur la politique fédérale : la seule façon de mettre un terme à ces manigances consiste à réduire le plafond pour les dons, au fédéral, à 100 $ par personne, comme c’est déjà le cas au Québec », affirme Duff Conacher, co-fondateur de Démocratie en surveillance et président de la coalition Money in Politics. « Le plafond fédéral de 3 100 $, qui est beaucoup trop élevé, permet encore aux personnes fortunées d’utiliser leur argent de façon contraire à l’éthique pour influencer les politiciens et les partis, sans compter qu’il favorise la canalisation de dons provenant d’entreprises et de syndicats par le truchement de leurs cadres supérieurs, de leurs employés et de leurs proches, comme cela s’est produit au Québec et, au fédéral, à Toronto. »
« Les politiciens sont censés jouer un rôle d’arbitre lorsqu’ils se penchent sur des questions d’intérêt public. Or, les chefs des partis politiques fédéraux permettent à des gens fortunés de les acheter au moyen de dons énormes, parfois faits en secret. Pourquoi? Au hockey, au baseball, au soccer, au basketball et dans bien d’autres sports, les arbitres n’ont pas le droit d’accepter de cadeaux offerts par les joueurs, aussi petits soient-ils », ajoute Conacher.
Il faut apprendre de nos erreurs : les scandales survenus au Québec avant 2013; à l’échelle fédérale (depuis 2007) et à Toronto (depuis 2009) démontrent clairement qu’un plafond de dons supérieur à 1 000 $ par personne accroît la possibilité, pour les donateurs fortunés, d’exercer une influence contraire à l’éthique. De plus, les plafonds trop élevés favorisent la tenue d’activités de financement donnant un accès privilégié aux politiciens.
« Les scandales relatifs aux dons survenus au Québec, en Alberta et à l’échelle fédérale montrent clairement que la seule façon d’empêcher l’influence contraire à l’éthique et antidémocratique en politique fédérale associée à l’argent est d’interdire les dons importants, en fixant la limite de dons à 100 $ par personne par année », soutient Conacher.
Les nombreux scandales de dons électoraux qui se sont produits un peu partout au pays prouvent que la seule façon d’éliminer l’influence associée à l’argent est de fixer une limite de dons réduite. Peu d’accusations ont été portées à la suite du scandale de corruption qui a lieu au Québec malgré le fait que, selon une enquête menée par Élections Québec, 12,8 millions de dollars en dons vraisemblablement illégaux auraient été versés de 2006 à 2011. En 2013, pour mettre fin à la corruption, le gouvernement du Québec a réduit la limite de dons individuelle à 100 $ par année et par parti. Il est aussi possible de verser 100 $ supplémentaires à un candidat indépendant, et les dons doivent obligatoirement faire l’objet d’une vérification d’Élections Québec avant d’être remis aux partis et aux candidats. La Colombie-Britannique envisage d’adopter des changements démocratiques similaires.
L’application des règlements doit être plus rigoureuse, puisque l’on retrouve vraisemblablement beaucoup d’autres exemples de dons illégaux à l’échelle fédérale. Pensons notamment à SNC-Lavalin, qui a versé illégalement près de 118 000 $ au Parti libéral et au Parti conservateur ainsi qu’à des associations de circonscription et à des candidats par l’intermédiaire de ses cadres et de ses employés de 2004 à 2011. Le cousin de l’ancien député conservateur Dean Del Mastro a été accusé, en 2014, d’avoir effectué des dons illégaux en se servant des employés de son entreprise.
Il semble qu’Élections Canada n’a pas encore effectué la vérification complète promise en 2013 : la vérification des dons devrait avoir lieu tous les ans.
En 2012, quand Elections Alberta s’est prêtée au même exercice de vérification qu’Élections Québec, elle a mis au jour des dizaines de dons illégaux. De plus, un scandale dévoilé en 2013 a permis de constater qu’une coalition d’entreprises du domaine de la construction avait clairement établi que le versement de dons importants dépendait des changements que le gouvernement de l’Alberta apporterait au droit du travail.
L’automne dernier, les libéraux fédéraux se sont retrouvés au coeur d’un scandale relatif à des activités de financement avec accès privilégié. En effet, le premier ministre Trudeau et plusieurs ministres ont participé à environ 90 événements exclusifs à prix fort depuis le 1er janvier 2016. Le Globe and Mail a rapporté, le 25 octobre 2016, le ministre des Finances devait assister à l’une de ces activités de financement. L’activité en question avait été organisée avec la collaboration d’un cadre d’une société pharmaceutique alors que celle-ci se livrait à des activités de lobbying auprès de Finances Canada.
À la suite de cet événement, Démocratie en surveillance a déposé une plainte auprès de la commissaire fédérale au lobbying, Karen Shepherd. L’enquête se poursuit. En novembre dernier, Démocratie en surveillance a aussi déposé une plainte au sujet d’un autre événement organisé par le même cadre d’une société pharmaceutique en août 2015, mettant cette fois en vedette Justin Trudeau (cette plainte fait aussi l’objet d’une enquête). Enfin, en mars dernier, une autre plainte au sujet d’une activité de financement d’envergure tenue par un membre d’un conseil d’administration pour le compte des libéraux en 2014 a également été déposée (cette plainte fait aussi l’objet d’une enquête de la commissaire Shepherd). Le bureau de la commissaire Shepherd prend beaucoup trop de temps pour mener l’enquête au sujet de ces plaintes (peut-être parce qu’elle a été nommée à titre de commissaire par le cabinet Trudeau, qui lui a offert un contrat renouvelable de six mois).
En outre, Démocratie en surveillance a aussi déposé une plainte auprès de la commissaire à l’éthique, Mary Dawson, au sujet d’un autre événement auquel les principaux donateurs libéraux ont été invités en septembre 2016. L’organisation a aussi déposé une plainte pour décrier le fait que le cabinet Trudeau s’est lui-même chargé de nommer les responsables de la surveillance en matière d’éthique et de lobbying. La commissaire Dawson n’a pas mené d’enquête en réponse à ces deux plaintes.
Les résultats de la recherche effectuée par Démocratie en surveillance montrent également que les principaux donateurs du Parti libéral du Canada qui ont versé 1 100 $ ou plus en 2015 ne représentaient que 4,37 % des donateurs (soit 4 084 donateurs sur un total de 93 426). Or, leurs dons équivalaient à 22,87 % de tous les dons amassés (donc 4 866 373,76 $ sur un total de 21 276 897,57 $).
Il ne faut pas oublier de souligner que, chaque année, les libéraux fédéraux organisent des événements spéciaux pour les donateurs qui leur versent 1 500 $ ou plus (ces donateurs deviennent alors membres du Club Laurier). Comme l’a indiqué le Globe and Mail, en se fondant sur des données d’Élections Canada, seulement 790 personnes (0,85 % de tous les donateurs du Parti libéral) ont remis au parti 1 500 $ ou plus en 2015 alors qu’en 2014, on ne comptait que 522 personnes (0,68 % des 77 064 donateurs) ayant versé 1 200 $ ou plus (soit la somme nécessaire pour être invité à un événement du Club Laurier).
La situation vécue à Toronto est un autre exemple qui prouve que des limites de dons élevées permettent de contourner les interdictions relatives aux dons provenant d’entreprises et de syndicats. Les dons de cette nature ont été interdits lors des élections de 2009 à Toronto, et les dons individuels ont été limités à 750 $ par année, mais selon une analyse effectuée en 2016 par le Toronto Star, les grandes entreprises et les hauts dirigeants d’autres groupes d’intérêts spéciaux et leurs proches continuent de verser des sommes importantes aux conseillers municipaux.
Il faut également limiter les prêts provenant d’institutions financières afin d’éviter que ces dernières, tout comme les entreprises et les syndicats, puissent utiliser les prêts pour exercer une influence contraire à l éthique. Les prêts ne devraient provenir que de fonds publics et leur valeur devrait être limitée à la moyenne des dons reçus au cours des deux années précédentes.
Si les partis arrivent à prouver qu’ils ont besoin de financement public, le financement annuel par vote reçu devrait être d’au plus 1 $ par vote, et les partis devraient adopter un système de dons en contrepartie provenant de fonds publics semblable à celui adopté au Québec (2,50 $ pour les premiers 20 000 $ amassés chaque année par chacun des partis, puis 1 $ pour les premiers 200 000 $ amassés chaque année). Élections Québec a analysé les résultats obtenus à la suite des changements apportés au Québec et a conclu que les partis sont toujours financés adéquatement.
« Pour se conformer au système démocratique du Québec, lequel est un exemple à suivre à l’échelle mondiale, les libéraux fédéraux doivent limiter les dons individuels à 100 $ par année. Si les partis prouvent qu’ils en ont besoin, on pourra ensuite utiliser le financement par vote reçu et le système de dons en contrepartie pour offrir aux partis et aux candidats une aide financière à partir de fonds publics en fonction de l’appui réel des électeurs », a ajouté Conacher.
Pour démocratiser le système financier politique à l’échelle fédérale, il est impératif d’y apporter les modifications suivantes :
- réduire le plafond relatif aux dons annuels en argent, en biens immobiliers et en services offerts par les particuliers à 100 $ ou à 200 $ par parti (au Québec, cette limite est de 100 $); imposer le même plafond aux candidats qui contribuent à leur propre campagne; et faire en sorte que
tous les dons soient vérifiés par un organisme de surveillance des élections (comme c’est le cas au Québec); - interdire les prêts consentis aux partis politiques, aux associations de circonscription et aux candidats, sauf si l’argent provient de fonds publics (la valeur des prêts devra être inférieure à la moyenne annuelle des dons reçus au cours des deux années précédentes);
- imposer des limites relatives aux dépenses engagées par les partis ainsi que par les candidats à l’investiture et à la direction, les groupes d’intérêt tiers et les candidats aux élections avant et pendant les courses à l’investiture, les courses à la direction et les campagnes électorales;
- rendre obligatoire la divulgation de tous les dons et cadeaux en argent, en biens immobiliers, en services et en travail bénévole remis à quelque parti, association de circonscription, politicien, et candidat à l’investiture, aux élections ou à la direction que ce soit. L’identité de l’employeur des donateurs ainsi que leur appartenance à quelque conseil d’administration ou conseil exécutif que ce soit devrait également être divulguée;
- accorder aux partis une subvention annuelle en se fondant sur les votes reçus au cours des dernières élections (jusqu’à 1 $ par vote, et une partie des fonds devra être redistribuée aux associations de circonscription);
- accorder aux partis une subvention annuelle égale aux montants recueillis en dons, jusqu’à concurrence de 1 million de dollars par parti politique par année (le Québec verse un maximum de 200 000 $);
- accorder aux candidats à l’investiture et aux élections (y compris les candidats indépendants) une subvention annuelle égale aux montants recueillis en dons, d’un maximum de 25 000 $, et une subvention égale aux dons amassés dans le cadre d’une campagne à la direction d’un parti (jusqu’à concurrence de 200 000 $);
- exiger des organismes de surveillance des élections, des dons et de l’éthique qu’ils effectuent des vérifications annuelles aléatoires afin de s’assurer que tous respectent les règles;
- donner à Élections Canada ou au vérificateur général le pouvoir de passer en revue toute la publicité gouvernementale et de retirer ou de modifier toute publicité jugée partisane ou trompeuse;
- accroître toutes les pénalités découlant de manquements aux règles sur les dons et les dépenses et porter la peine minimale à 100 000 $ assortie d’une peine d’emprisonnement de plusieurs années, de la perte de toute indemnité de départ et de la récupération partielle de paiements de retraite éventuels;
- exiger d’Élections Canada et du commissaire aux élections fédérales qu’ils publient sur-le-champ toutes les décisions qu’ils rendent sur les
plaintes dont ils sont saisis ou au terme des enquêtes qu’ils entreprennent.
POUR OBTENIR PLUS DE DÉTAILS, COMMUNIQUEZ AVEC :
Duff Conacher, co-fondateur de Démocratie en surveillance
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